mercredi 23 décembre 2009

Extrait du poème de Tristan L'Hermite: Le promenoir des deux amants (XVIIe siècle)

Auprès de cette Grotte sombre
Où l'on respire un air si doux,
L'onde lutte avec les cailloux,
Et la lumière avecque l'ombre.

Ces flots lassés de l'exercice
Qu'ils ont fait dessus ce gravier,
Se reposent dans ce Vivier
Où mourrut autrefois Narcisse.

C'est un des miroirs où le Faune
Vient voir si son teint cramoisi,
Depuis que l'Amour l'a saisi,
Ne serait point devenu jaune.

L'ombre de cette fleur vermeille
Et celle de ces joncs pendants
Paraissent être là-dedans
Les songes de l'eau qui sommeille.

Les plus aimables influences
Qui rajeunissent l'univers
Ont relevé ces tapis verts
De fleurs de toutes les nuances.

Dans ce Bois, ni dans ces montagnes
Jamais Chasseur ne vint encor:
Si quelqu'un y sonne du Cor,
C'est Diane avec ses compagnes.

Ce vieux chêne a des marques saintes;
Sans doute qui le couperait,
Le sang chaud en découlerait
Et l'arbre pousserait des plaintes.

Ce Rossignol mélancolique
Du souvenir de son malheur,
Tâche de charmer sa douleur
Mettant son Histoire en musique.

Il reprend sa note première
Pour chanter d'un art sans pareil
Sous ce rameau que le Soleil
A doré d'un trait de lumière.

Sur ce frêne deux Tourterelles
S'entretiennent de leurs tourments,
Et font les doux appointemens
De leurs amoureuses querelles.

Un jour Vénus avec Anchise
Parmis ses forts s'allait perdant
Et deux Amours, en l'attendant,
Disputaient pour une Cerise.

Dans toutes ces routes divines
Les Nymphes dansent aux chansons,
Et donnent la grâce aux buissons
De porter des fleurs sans épines.

Jamais les vents ni le Tonnerre
N'ont troublé la paix de ces lieux;
Et la complaisance des Cieux
Y souris toujours à la Terre.

Crois mon conseil, chère Climène,
Pour laisser arriver le soir,
Je te prie, allons nous asseoir
Sur le bord de cette fontaine.
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Je tremble en voyant ton visage
Flotter avecque mes désirs,
Tant j'ai de peur que mes soupirs
Ne lui fassent faire naufrage.

De crainte de cette aventure,
Ne commets pas si librement
À cet infidèle Elément
Tous les trésors de la Nature.

Veux-tu par un doux privilège
Me mettre au-dessus des humains?
Fais-moi boire au creux de tes mains
Si l'eau n'en dissout point la neige.
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