lundi 28 décembre 2009

Citation Biblique


"Ne vous inquiétez donc pas du lendemain ; car le lendemain aura soin de lui-même."

Evengile selon Saint Matthieu

Peinture de Jean-Marc JANIACZYK

Poésie de René Char : Jacquemard et Julia

Jadis l'herbe, à l'heure où les routes de la terre s'accordaient dans leur déclin, élevait tendrement ses tiges et allumaient ses clartés. Les cavaliers du jour naissaient au regard de leur amour et les châteaux de leurs bien-aimées comptaient autant de fenètres que l'abîme porte d'orages légers.
Jadis l'herbe connaissait mille devises qui ne se contrariaient pas. Elle était la providence des visages baignés de larmes. Elle incantait les animaux, donnait asile à l'erreur. Son étendue était comparable au ciel qui a vaincu la peur du temps et allégi la douleur.
Jadis l'herbe était bonne aux fous et hostile au bourreau. Elle convolait avec le seuil de toujours. Les jeux qu'elle inventait avaient des ailes à leur sourire (jeux absous et également fugitifs).Elle n'était dure pour aucun de ceux qui perdant leur chemin souhaitent le perdre à jamais.
Jadis l'herbe avait établi que la nuit vaut moins que son pouvoir, que les sources ne compliquent pas à plaisir leur parcours, que la graine qui s'agenouille est déjà à demi dans le bec de l'oiseau.
Jadis, terre et ciel se haïssaient mais terre et ciel vivaient.
L'inextinguible sécheresse s'écoule. L'homme est un étranger pour l'aurore. Cependant à la poursuite de la vie qui ne peut-être encore imaginée, il y a des volontés qui frémissent, des murmures qui vont s'affronter et des enfants sains et saufs qui découvrent.


Livre : Fureur et mystère

dimanche 27 décembre 2009

Poème de Gérard de Nerval (XIXe siècle) : Fantaisie


Il es un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets!

Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit...
C'est sous Louis treize; et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs;

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existance peut-être,
J'ai déjà vue...et dont je me souviens!


Extrait du recueil des Odelettes, publié en 1835

Peinture de Francine Van Hove

vendredi 25 décembre 2009

Citation de Confucius (V.551-479 AV. J.-C.)

"Notre plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de nous relever chaque fois."

mercredi 23 décembre 2009

Extrait du poème de Tristan L'Hermite: Le promenoir des deux amants (XVIIe siècle)

Auprès de cette Grotte sombre
Où l'on respire un air si doux,
L'onde lutte avec les cailloux,
Et la lumière avecque l'ombre.

Ces flots lassés de l'exercice
Qu'ils ont fait dessus ce gravier,
Se reposent dans ce Vivier
Où mourrut autrefois Narcisse.

C'est un des miroirs où le Faune
Vient voir si son teint cramoisi,
Depuis que l'Amour l'a saisi,
Ne serait point devenu jaune.

L'ombre de cette fleur vermeille
Et celle de ces joncs pendants
Paraissent être là-dedans
Les songes de l'eau qui sommeille.

Les plus aimables influences
Qui rajeunissent l'univers
Ont relevé ces tapis verts
De fleurs de toutes les nuances.

Dans ce Bois, ni dans ces montagnes
Jamais Chasseur ne vint encor:
Si quelqu'un y sonne du Cor,
C'est Diane avec ses compagnes.

Ce vieux chêne a des marques saintes;
Sans doute qui le couperait,
Le sang chaud en découlerait
Et l'arbre pousserait des plaintes.

Ce Rossignol mélancolique
Du souvenir de son malheur,
Tâche de charmer sa douleur
Mettant son Histoire en musique.

Il reprend sa note première
Pour chanter d'un art sans pareil
Sous ce rameau que le Soleil
A doré d'un trait de lumière.

Sur ce frêne deux Tourterelles
S'entretiennent de leurs tourments,
Et font les doux appointemens
De leurs amoureuses querelles.

Un jour Vénus avec Anchise
Parmis ses forts s'allait perdant
Et deux Amours, en l'attendant,
Disputaient pour une Cerise.

Dans toutes ces routes divines
Les Nymphes dansent aux chansons,
Et donnent la grâce aux buissons
De porter des fleurs sans épines.

Jamais les vents ni le Tonnerre
N'ont troublé la paix de ces lieux;
Et la complaisance des Cieux
Y souris toujours à la Terre.

Crois mon conseil, chère Climène,
Pour laisser arriver le soir,
Je te prie, allons nous asseoir
Sur le bord de cette fontaine.
...............................
Je tremble en voyant ton visage
Flotter avecque mes désirs,
Tant j'ai de peur que mes soupirs
Ne lui fassent faire naufrage.

De crainte de cette aventure,
Ne commets pas si librement
À cet infidèle Elément
Tous les trésors de la Nature.

Veux-tu par un doux privilège
Me mettre au-dessus des humains?
Fais-moi boire au creux de tes mains
Si l'eau n'en dissout point la neige.
.....................................

Maurice Maeterlinck: Verre Ardent


Je regarde d'anciennes heures,
Sous le verre ardent des regrets;
Et du fond bleu de leurs secrets
Emergent des flores meilleures.

Ô ce verre sur mes désirs!
Mes désirs à travers mon âme!
Et l'herbe morte qu'elle enflamme
En approchant des souvenirs!

Je l'élève sur mes pensées,
Et je vois éclore au milieu
De la fuite du cristal bleu,
Les feuilles des douleurs passées.

Jusqu'à l'éloignement des soirs
Morts si longtemps en ma mémoire,
Qu'il troublent de leurs lente moire
L'âme verte d'autres espoirs


Peinture de Edouard Planson

mardi 22 décembre 2009

Poésie de Louise Labé


Pour le retour du Soleil honorer,
Le Zéphir l'air serein lui appareille,
Et du sommeil l'eau et la terre éveille,
Qui les gardait, l'une de murmurer

En doux coulant, l'autre, de se parer
De mainte fleur de couleur non pareille.
Jà les oiseaux ès arbres font merveille
Et aux passants font l'ennui modérer:

Les Nymphes jà en mille jeux s'ébattent
Au clair de Lune, et, dansant, l'herbe abattent:
Veux tu, Zéphir, de ton heure me donner,

Et que par toi toute me renouvelle?
Fais mon Soleil devers moi retourner,
Et tu verras s'il ne me rend plus belle.


Peinture de Sandro Botticelli

lundi 21 décembre 2009

Charles Baudelaire : Le Voyage

A Maxime du Camp.

I

Pour L'enfant amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est petit!

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers:

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux; et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrai voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir;coeurs légers, semblables aux ballons,
De leurs fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours: Allons!

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom!


II

Nous imitons, horreur! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds; même dans nos sommeils

La curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut-être n'importe où!
Où l'Homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou!

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie;
Une vois retentit sur le pont:"Ouvre l'oeil!"
Une voix de la hune, ardente et folle, crie:
"Amour...gloire...bonheur!" Enfer! c'est un écueil!

Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin!
L'imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

O le pauvre amoureux des pays chimériques!
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer?

Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.


III

Etonnants voyageurs! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers!
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile!
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

Dîtes, qu'avez-vous vu?


IV

"Nous avons vu des astres
Et des flots; nous avons vu des sables aussi;
Et malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

"La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeur une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

"Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages,
Et toujours le désir nous rendait soucieux!

"-La jouissance ajoute au désir de la force.
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près!

Grandiras-tu toujours,grand arbre plus vivace
Que le cyprès? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de loin!

Nous avons salué des idoles à trompes;
Des trônes constellés de joyaux lumineux;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux;


Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse."

V

Et puis, quoi encore?

VI

"O cerveaux enfantins!

"Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spéctacle ennuyeux de l'immortel péché:

"La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout;

"Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant;

"Plusieurs religions semblables à la notre,
Toutes escaladant le ciel; la sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté;

"L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie:
- "O mon semblable, ô mon maître, je te maudis!"

"Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'opium immense!
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin."


VII

Amer savoir, celui qu'on tire du voyage!
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image:
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui!

Faut-il partir? rester? Si tu peux rester, reste;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le temps! Il est, hélas! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme; il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier: En avant!
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent:"Par ici! vous qui voulez manger

"Le Lotus parfumé! C'est ici qu'on vendange
les fruits miraculeux dont votre coeur a faim;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin!"

A l'accent familier nous devinons le spectre;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
"Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre!"
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.


VIII

O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
Ce pays nous ennuie,ô Mort! Appareillons!
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!

Extrait de: Les Fleurs du Mal

lundi 14 décembre 2009

Citation


« À force de remettre à plus tard, la vie nous dépasse. »

SÉNÈQUE

Peinture de richard schmid :gift of roses a

dimanche 6 décembre 2009

Citation de Sénèque

«Personne ne se soucie de bien vivre , mais de vivre longtemps, alors que tous peuvent se donner le bonheur de bien vivre, aucun de vivre longtemps.»

mercredi 2 décembre 2009

Poème de Christophe Mahy


D'un temps que j'ai pour utopie de retenir,
il reste la fatigue des bruyères
et quelques journées de soleil pour viatique

Il est automne et des poussières
dans mon miroir rongé d'oubli:
je hèle un pan de lumière

échappé des saisons floues
et pour réchauffer mes soirées,
il me reste le bleu des forêts

qui fait face à la nuit.

"La cinquième veille"